La chaleur fatale, encore trop souvent sous-exploitée, représente une ressource énergétique précieuse dans la transition écologique. Pourtant, elle reste largement absente des stratégies publiques visant la neutralité carbone d’ici 2050. Souhaitez-vous approfondir les principes techniques du stockage ou aborder les avantages environnementaux et économiques ?
Rappel sur la définition de la chaleur fatale
La chaleur fatale, aussi appelée chaleur de récupération, correspond à l’énergie thermique inévitablement rejetée lors de procédés de production ou de transformation.
Elle se présente sous trois formes principales :
- Rejets gazeux : faciles à capter, ils incluent l’air chaud, les buées, la vapeur de procédé, ou encore l’air de conditionnement.
- Rejets liquides : également simples à capter, ils concernent les eaux usées résidentielles et tertiaires, les eaux de refroidissement, ou encore les purges.
- Rejets diffus : plus complexes à récupérer, ils proviennent de défauts d’isolation des canalisations, des parois, ou des ouvertures non hermétiques.
La température de cette chaleur est un facteur clé pour définir sa valorisation. Elle varie généralement de 30°C (eaux usées) à 500°C (gaz de combustion). Chaque niveau permet des usages spécifiques selon les besoins énergétiques.
Chaleur fatale : comment stocker cette énergie ?
La récupération de chaleur fatale peut être optimisée grâce à des systèmes de stockage, adaptés aux écarts temporels entre la production et l’utilisation de cette énergie sur site.
Deux principales technologies sont utilisées : le stockage thermique (chaleur sensible ou latente) et le stockage thermochimique (énergie par sorption).
Stockage thermique par chaleur sensible
Cette méthode repose sur le chauffage d’un matériau liquide ou solide sans changement de phase. Le choix du matériau dépend du niveau de température requis par l’application. Quant à la restitution de la chaleur, elle ne se fait pas à température constante.
- Pour des températures inférieures à 100 °C, l’eau liquide est privilégiée en raison de son faible coût, de son absence de toxicité et de la possibilité de l’utiliser directement comme fluide caloporteur. Des alternatives comme les roches ou le béton existent également à ces niveaux.
- Pour des températures supérieures à 100 °C, des milieux spécifiques sont nécessaires. Tels que les huiles organiques (jusqu’à 350 °C) ou les sels fondus (jusqu’à 800 °C). Cependant, ces matériaux nécessitent souvent un fluide intermédiaire et leur coût, ainsi que celui des échangeurs, est plus élevé.
Pour des applications encore plus chaudes, des solides tels que le béton haute température ou la céramique réfractaire (jusqu’à 1000 °C) sont utilisés, bien que leur volume requis soit supérieur à celui des milieux liquides.
Stockage thermique par chaleur latente
Le stockage par chaleur latente utilise la capacité d’un Matériau à Changement de Phase (MCP) à passer de l’état solide à l’état liquide. Ainsi, l’énergie de changement de phase est absorbé lors de la fusion et la restituant lors de la solidification.
Cette méthode nécessite un fluide caloporteur pour transférer la chaleur entre la source et l’unité de stockage. En effet, le MCP ne peut pas être utilisé directement comme fluide de transfert.
Les technologies de transfert incluent des échangeurs tubes ailettés, des échangeurs multi-tubes, et l’encapsulation du MCP. Lorsqu’un fluide chaud entre en contact avec le MCP, celui-ci fond et absorbe la chaleur. Par contre, lorsqu’un fluide froid provoque la solidification du MCP, restituant la chaleur au fluide.
Stockage thermochimique par énergie de sorption
Le stockage thermochimique repose sur la réversibilité des réactions (adsorption-désorption ou réactions chimiques) pour stocker et restituer la chaleur, selon des processus endothermiques ou exothermiques.
Stockage par Adsorption/Désorption
Ce système utilise un couple solide/gaz, avec des matériaux adsorbants poreux tels que les gels de silice, les alumino-phosphates, les silico-phosphates et les zéolithes.
L’adsorption, qui est un processus exothermique, implique la fixation des molécules de gaz sur le solide, libérant ainsi de la chaleur. À l’inverse, la désorption, un processus endothermique, consiste à libérer les molécules de gaz, absorbant de la chaleur.
Stockage par voie chimique
Ce système repose sur une réaction chimique réversible entre un solide et un gaz, souvent impliquant des sels et de l’eau. Pour améliorer le transfert thermique et la stabilité, les matériaux réactifs sont généralement associés à une matrice.
La décomposition chimique, représentée par la réaction (AB + Q ↔ A + B), est endothermique et permet de stocker de l’énergie, tandis que la recombinaison des produits est exothermique, ce qui permet de restituer la chaleur.
Cette méthode est couramment utilisée dans des applications industrielles à des températures comprises entre 160 et 250 °C.